«

»

Oct 25

Imprimer ceci Article

Pour la démocratie et sauver le projet européen : NON résolument au traité européen !

(25 octobre 2012)

Notre camarade Danielle Soury, co-secrétaire du PG87 a apporté récemment une contribution au Forum de l’Echo.

Nous avons trouvé intéressant de vous la faire partager ici.

Il y a au moins deux raisons fondamentales de s’opposer au Traité européen : d’abord parce que ce texte, en touts points identique à celui proposé par N. Sarkozy, est un véritable crime contre la démocratie ; ensuite parce que c’est une folie contre l’économie européenne qui mène tout droit à la remise en cause radicale du projet européen.

Un crime contre la démocratie

On peut affirmer que ce texte signe un crime contre la démocratie, pour 4 raisons.

1. Tout d’abord, il institue le principe des politiques automatiques c’est-à-dire des manières automatiques de réagir à une situation, sans débat, sans discussion, sans vote. Ainsi, il prévoit que si un  État voit sa dette publique dépasser 60% du PIB, il devra automatiquement prendre des mesures de réduction de cette dette d’un vingtième par an c’est-à-dire de 5% du stock de la dette. Pour la France cela représenterait dès l’année prochaine une enveloppe de 90 milliards d’€ par an. Signer ce Traité c’est donc pour un État signer pour que soit déclenché automatiquement et nécessairement, sans aucune délibération ni vote, un plan de réduction de sa dette publique. Quasiment tous les états de la zone euro sont concernés puisque partout ou presque la dette publique dépasse les 60% du PIB. De même, selon l’article 5 du Traité, un État contre lequel serait engagée une procédure pour déficit budgétaire excessif, devra automatiquement mettre en place un plan d’ajustement structurel de son budget. Un pays signataire s’engage donc, une fois pour toutes, quelles que soient les circonstances économiques conjoncturelles qu’il puisse rencontrer, à mettre en place un plan de résorption du déficit sans qu’une nouvelle délibération politique soit possible.

2. En outre, à l’exemple de la Constitution de l’Union soviétique, le Traité inscrit dans une loi fondamentale, une règle  générale de politique économique sur laquelle on ne peut plus revenir. A quoi bon dans ces conditions garder des élections et le suffrage universel si une nouvelle majorité, un gouvernement nouvellement élu ne peuvent plus décider librement de leurs choix budgétaires, c’est à dire de la collecte de l’impôt et de l’usage des fonds publics  ?

Il est en effet précisé que « la règle d’or » -c’est-à-dire la contrainte que s’impose les États d’aller vers l’équilibre budgétaire structurel- doit être de préférence inscrite dans la Constitution; à défaut, il faut parvenir « par toute autre disposition » à l’inscrire dans une loi fondamentale pour garantir qu’elle ne puisse être remise en cause par une majorité parlementaire simple. Les États signataires qui, pour des raisons constitutionnelles ou politiques (« risque » trop élevé de perdre un référendum), ne peuvent pas l’inscrire dans leur Constitution doivent trouver une autre procédure. C’est le choix de F. Hollande en proposant de passer par une loi organique. Sauf à être guidé par des considérations politiciennes, il n’ y a donc aucun sens, à dire non au Traité et à voter la loi organique, comme s’apprêtent à le faire certains élus d’EE-LV !

3) Antidémocratique, ce Traité l’est aussi parce qu’il renforce considérablement les pouvoirs donnés à la Commission européenne. Ainsi, par exemple, en cas de procédure engagée contre un État pour déficit excessif, non seulement cet État devra engager un plan de correction  du déficit mais le contenu de ce plan devra être approuvé par la Commission. Le Traité n’impose donc pas seulement à un État de réduire son déficit : il lui impose par quels moyens le faire. Imaginons qu’un gouvernement de Front de Gauche arrive au pouvoir. En faisant payer les plus riches, en changeant fondamentalement le partage des richesses entre travail et capital, son programme lui permettrait assez facilement de résorber le déficit, tout en augmentant les dépenses publiques ! En plaçant sous tutelle de la Commission les moyens des politiques publiques nationales, le Traité cherche à prévenir ce type de risque. Les peuples grondent dans l’Union. Les chiens de garde du capital cherchent à parer aux risques que pourrait recéler l’arrivée au pouvoir, par les urnes, d’un vrai gouvernement de gauche dans un quelconque des pays d’Europe.

4) Enfin, et c’est la première fois dans l’histoire des démocraties, un État pourrait se voir infliger des sanctions, quasi-automatiques, par une Cour de magistrats (non élue) contre ses politiques publiques. En effet le Traité prévoit un dispositif de sanctions quasi-automatiques par la Cour de justice européenne contre un État qui ferait l’objet d’une procédure engagée contre lui par la Commission ou par un autre État, qui n’accepterait pas qu’il mène autre une autre politique que celle dictée par la Commission.

De surcroît, il est stipulé dans le Traité que lorsque la Commission européenne engage une procédure contre un État, les autres États membres de l’Union soutiennent sa position. Toutes les actions de la Commission sont « réputées adoptées par les États membres » à partir du moment où ils ont signé le Traité… sauf si une majorité qualifiée des États décidaient de s’opposer à cette action de la commission. Procédure aussi démocratique que celle du vote bloqué au Parlement, qui est là pour renforcer le pouvoir de l’exécutif et limiter le rôle des parlementaires !

Toutes celles et ceux qui vont marcher à Paris dimanche contre le Traité et pour un référendum ont donc toutes les raisons de se mobiliser résolument contre un texte qui constitue une attaque proprement hallucinante contre la démocratie.

Ils ont d’autant plus raison que ce Traité représente aussi une folie pour l’économie européenne et mène tout droit à l’éclatement de la zone euro et à la fin de tout projet européen.

Crime contre la démocratie, le Traité est aussi une folie contre l’économie européenne qui mène tout droit à la remise en cause radicale du projet européen.

Au cœur du Traité il y a l’exigence d’aller vers l’équilibre budgétaire à moyen terme. C’est admettre que l’état « normal » d’un budget public serait l’équilibre. C’est d’une part sur le fond une absurdité économique et d’autre part la promesse immédiate d’un enfoncement dramatique dans les difficultés économiques et sociales.

L’objectif d’équilibre budgétaire est réputé rempli si les États ont un déficit structurel inférieur à 0,5% de leur PIB. Le solde structurel du budget correspond à l’état des comptes publics en « période  normale », c’est à dire hors crise conjoncturelle. Être à l’équilibre structurel signifie donc qu’en période « normale », il doit y avoir à peu près égalité entre les recettes et les dépenses publiques. Le déficit du budget n’est selon la doxa européenne recevable qu’en cas de ralentissement brutal de l’économie, encore ne s’agit-il que d’un déficit autorisé dans la limite de 3% du PIB; il s’agirait alors d’un déficit dit conjoncturel, correspondant à une situation de crise brutale grave.

Admettre ce principe d’un équilibre structurel entre dépenses et recettes de l’État revient à interdire aux États d’étaler leurs dépenses dans le temps. En effet, contrairement à la comptabilité privée, il n’ y a pas en matière de comptes publics de différence de traitement entre une dépense de fonctionnement et une dépense d’investissement. Précisément pour des raisons fondamentales d’ exercice de la citoyenneté, tout engagement de dépense doit être contrôlé et validé par les citoyens ou leurs représentants. Refuser le principe même d’un déséquilibre entre recette et dépense publique c’est donc condamner le principe même de la dette publique, quelle que soit sa nature : qu’elle soit contractée pour couvrir des dépenses de fonctionnement ou des dépenses d’investissement. C’est donc une règle proprement insensée qui condamne purement et simplement l’investissement public.

Qu’on imagine un peu : quel ménage (hormis les 1% de ce pays qui disposent d’une fortune arrogante) serait en mesure d’acheter un logement s’il devait le financer exclusivement avec ses revenus de l’année, sans emprunter ? Quelle entreprise serait en capacité d’investir significativement, si elle ne pouvait se financer exclusivement que par autofinancement, sans s’endetter ?

C’est une folie de vouloir inscrire dans les lois fondamentales des États qu’ils ne peuvent plus investir sauf à financer cet investissement exclusivement avec les recettes de l’année. D’autant plus qu’en même temps on a saigné les recettes publiques pour alléger la fiscalité sur le capital et les riches. Dans ces conditions, il n’y aurait donc que le secteur privé qui pourrait s’endetter pour investir.

Ce qui peut apparaître comme un non sens économique prend cependant un sens politique très clair. Si les États ne peuvent quasiment plus investir dans la santé, l’éducation, les transports, les grands réseaux et la transition écologique… bref dans les biens publics, qui réalisera ces investissements et s’appropriera tout ce pan de l’activité ? Le but politique fondamental de cette « règle d’or » est bien celui-ci : tellement contraindre la capacité des États à investir, que tout ce qui reste de biens publics sera transféré au secteur capitaliste. Il s’agit d’élargir radicalement la sphère des activités humaines ouverte à la rentabilisation du capital par la marchandisation.

Cet objectif insensé est quasi-inatteignable… Ce qui n’est pour autant pas rassurant. En effet, sitôt ratifié, le Traité devra être appliqué dans l’année et simultanément par tous les États signataires. C’est créer les conditions d’une récession générale. En effet, si tous les pays européens mènent en même temps des politiques d’austérité, il n’y aura plus aucun moteur interne pour tirer l’activité économique en Europe alors que l’exportation s’épuise du fait notamment du ralentissement des économies asiatiques.

En France, par exemple, le projet de budget 2013, alors même que nous sommes en situation de croissance quasi nulle (avec 0,8 % de croissance prévue) est en réalité un plan d’austérité de 37 milliards d’euros de près de 2 points de PIB (en additionnant baisse des dépenses et hausses des impôts). Ce coup de massue que le gouvernement Ayrault s’apprête à infliger à l’activité économique du pays correspond à plus de deux fois les plans Fillon de 2011. Nombre d’économistes, de banquiers, de syndicalistes comme la Confédération européenne des syndicats, estiment qu’on va asphyxier l’activité. Effectivement, son effet immédiat sera la récession et la flambée du chômage. Pour respecter à tout prix ses engagements européens, le pouvoir socialiste assume ainsi la perspective d’une hausse du chômage «officiel» de 1 million de personnes d’ici la fin 2013.

Le résultat de ce type de politique est effectivement connu d’avance. Partout où elle a été appliquée, en Grèce, au Portugal, en Espagne ou en Italie, qu’elle émane de gouvernements de droite ou socio-libéraux, elle produit les mêmes résultats: contraction de l’activité, hausse du chômage et des dépenses sociales d’indemnisation, baisse des rentrées fiscales et donc augmentation des déficits et de la dette.

Non seulement cette politique n’ouvre aucune perspective de sortie de crise, immédiate, à deux ans ou à plus long terme, mais elle risque fort de tourner à la dépression générale en Europe dans la mesure où la plupart des gouvernements européens engagent en même temps les mêmes politiques récessionistes. Ce qui conduirait tout droit à l’éclatement de la zone euro et à la remise en cause radical de tout projet européen.

Il est donc impératif d’élargir la dynamique unitaire contre cette politique. Nous avons trois mois pour amplifier la mobilisation. Jusqu’en décembre, le Parlement va discuter 4 lois successives qui déclinent l’austérité imposée par le Traité : le 9 octobre sur le Traité lui-même, puis sur la loi organique. Ensuite, la « règle d’or » sera elle-même déclinée dans la loi de programmation des finances publiques 2012 -2017. Enfin, ce sera le budget 2013.

Trois mois pour débattre, en expliquer les dangers et faire grandir la résistance contre cette chaîne austéritaire.

 

Lien Permanent pour cet article : http://19.lepartidegauche.fr/?p=130