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Déc 18

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Révoquer les élus, c’est possible !

Par Charlotte Girard et Marc Duval

Du 8 au 11 novembre 2014, c’est-à-dire à la moitié du mandat présidentiel de François Hollande, le Parti de Gauche a organisé une votation citoyenne pour donner au peuple le droit de révoquer par son vote les personnes titulaires d’un mandat électif. Mais de quoi s’agit-il précisément ?

La Vème, règne de l’irresponsabilité

C’est devenu une idée banale aujourd’hui : la Vème République est une « monarchie républicaine ». Pour nous, c’est une absurdité et en tout état de cause un régime antidémocratique. Le Président concentre en effet tous les pouvoirs une fois élu et n’a de comptes à rendre à personne pendant toute la durée de son mandat, ni au Parlement, encore moins à ses électeurs. Il peut donc à loisir trahir ses engagements de campagne. Les reniements sans le moindre état d’âme de François Hollande en sont l’illustration. Quelle que soit l’ampleur de son discrédit politique ou moral, le mandat présidentiel ne peut être remis en cause. Pire, le Président est aussi au sommet d’une pyramide qui favorise, outre sa propre irresponsabilité, celle des autres : à partir du moment où il endosse l’adage « J’y suis, j’y reste », pourquoi les Balkany, Tiberi et autres Thévenoud se priveraient-ils de la possibilité d’en faire autant ?

La destitution sous la Vème : une imposture !

Certes, le Parlement a bien adopté récemment le mécanisme qui donne aux parlementaires la possibilité de destituer le Président de la République en cas de « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat ». Une notion floue et totalement dépourvue de définition juridique. Et il a fallu attendre 7 ans pour préciser cette disposition de la constitution ! Mais le texte adopté est plus un leurre qu’une avancée.
D’abord, seuls les parlementaires assemblés en Haute Cour pourront destituer le Président de la République. Le peuple, lui, sera exclu du processus du début à la fin.
Ensuite, le mécanisme institué est tellement verrouillé que la mise en cause de la responsabilité du monarque présidentiel demeure illusoire. Pour le destituer, il faudra le vote des deux tiers des députés, celui des deux tiers des sénateurs, puis celui des deux tiers des députés et des sénateurs ensemble réunis en Haute Cour. Autant dire que c’est impossible à atteindre, surtout quand la majorité des députés appartiennent au parti du Président.

La révocabilité des élus

C’est devant le peuple, seul souverain, que doit s’exercer la responsabilité des dirigeants élus. Et faire du peuple le vrai détenteur de la souveraineté, c’est lui donner la possibilité de révoquer ses représentants, dans le cadre d’un référendum d’initiative populaire. Aucun dirigeant élu ne doit être à l’abri du devoir de rendre des comptes. Il ne s’agit pas de « punir » des dirigeants élus mais d’instaurer un mécanisme de contrôle civique des décisions prises et de responsabilité des élus. Bref de donner une traduction politique et juridique concrète à l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration ».

Une telle disposition permet aux citoyens de garder un moyen de contrôle sur le pouvoir qu’ils ont délégué. Véritable épée de Damoclès, elle inciterait les élus à faire campagne à partir de programmes et d’objectifs politiques clairs et de s’y tenir malgré les diverses pressions extra-démocratiques, notamment financières, qui s’exercent sur leur mandat. Elle permettrait aussi de sanctionner ceux qui ne tiennent pas leurs promesses !

Ainsi, la Constitution pourrait prévoir un seuil de pétitionnaires (par exemple, 5%, 10% ou 15% des personnes inscrites sur les listes électorales) à partir duquel un référendum de révocation pourrait être convoqué. Bien entendu, l’enjeu n’est pas d’introduire de l’instabilité dans le fonctionnement institutionnel. Un certain nombre de garde-fous seraient imposés. D’abord, le référendum révocatoire ne pourrait être convoqué qu’à mi-mandat, ce qui laisse à l’élu la possibilité de faire, ou non, ses preuves. Ensuite, il ne pourrait y avoir qu’un seul référendum révocatoire au cours d’une même mandature. Enfin, pour que nul ne conteste la légitimité démocratique de la révocation, celle-ci ne serait prononcée qu’à la condition de recueillir plus de suffrages que l’élu n’en avait obtenu lors de son élection.

Exemples étrangers

Plusieurs constitutions dans le monde contiennent déjà un mécanisme de révocation des élus.
Ainsi, l’article 72 de la Constitution du Venezuela prévoit que toutes les charges et fonctions issues de l’élection populaire sont révocables, passée la première moitié du mandat, sachant que la révocation ne peut être sollicitée qu’une seule fois au cours d’un même mandat. De même, aux termes de l’article 105 de la Constitution de l’Équateur, les personnes en possession de leurs droits politiques pourront révoquer de leur mandat les autorités élues entre la fin de la première année et le début de la dernière année du mandat concerné ; la demande d’organisation d’un référendum révocatoire doit être soutenue par au moins 10% des personnes inscrites sur les listes électorales (15% s’il s’agit du Président de la République). D’autres ont opté pour un modèle différent : 17 États fédérés des États-Unis (par exemple, la Californie ou le Wisconsin) ont institué le recall, consistant en une sorte d’élection anticipée (plus qu’un référendum révocatoire) décidée sur initiative populaire. La Colombie britannique, au Canada, a institué un système de recall permettant aux électeurs de rappeler leur député, c’est-à-dire de l’obliger à démissionner. En Suisse, si le référendum révocatoire n’existe pas au niveau fédéral, 6 cantons le prévoient. Le référendum est convoqué sur l’initiative d’un nombre de signataires variant, selon les cantons, entre 2% et 7% des citoyens. C’est aussi le système de 13 Länder allemands dans lesquels un référendum révocatoire est possible, dont 3 à l’initiative d’environ un quart des inscrits. Même le très conservateur Royaume-Uni examine depuis septembre dernier un projet de loi de rappel de membres du Parlement en cas de condamnation ou de suspension. L’élu est révoqué et une nouvelle élection est organisée si plus de 10% des élus de la circonscription signent la pétition.

Proposition de texte

Concrètement, une disposition constitutionnelle sur le référendum révocatoire permettant de renforcer le contrôle citoyen sur l’exercice des mandats et la responsabilité des élus pourrait être rédigée ainsi :

« Toute personne titulaire d’un mandat public électif peut être révoquée à l’issue d’un référendum organisé à l’initiative d’au moins un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales de la circonscription concernée, dans des conditions prévues par la loi. »
« La révocation ne peut être sollicitée avant l’expiration de la moitié au moins de la durée d’exercice d’une charge publique élective. Il ne peut être organisé qu’un seul référendum révocatoire au cours d’un même mandat. »

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