Dans les gares de Souillac et Gourdon, dans le Lot, le champagne a coulé le 5 janvier 2010. Non pas en raison du Nouvel An mais d’un simple communiqué de la SNCF. Un texte tout ce qu’il y a de plus administratif? : « La SNCF confirme les arrêts commerciaux à Souillac et Gourdon du train Téoz Paris-Toulouse 3641 les dimanches et jours fériés… Ces arrêts apparaîtront en février dans les documents détaillant les horaires de la ligne Paris-Limoges-Toulouse. » L’air de rien, cet anodin message rend justice au combat que l’association Tous ensemble pour les gares avait engagé, en septembre 2007, quand la SNCF avait annoncé la suppression de quinze arrêts hebdomadaires dans ces deux gares. Pour Merzouk Sider, président de l’association, cette nouvelle est l’aboutissement d’un « combat citoyen » qui a mobilisé plusieurs centaines de personnes, jusqu’à deux fois par semaine, pendant deux ans et demi. « Notre détermination a été essentielle. Grâce à l’association, où nous étions en osmose, sans leader, le mécontentement, l’affectif ou les aspects personnels ont été transcendés en un combat pour le service public. » Serge Laybros, conseiller régional communiste et maire adjoint à Cahors, présent lors du premier rassemblement, « avec une poignée de personnes », a reçu le message de la SNCF comme « quelque chose d’extraordinaire »? : « En 2007, la SNCF nous lançait? : vous n’obtiendrez rien? ! Grâce à notre mobilisation qui a multiplié les initiatives originales, sans jamais se laisser aller au moindre débordement, grâce aux élus qui ont joué le jeu, nous avons obtenu ce que, dès le début, nous considérions comme un socle non négociable? : le rétablissement de dix arrêts. » Un combat qui laisse quand même aux deux hommes quelque amertume, à savoir les deux procès pour entrave à la circulation des trains que la SNCF leur a intentés. Serge Laybros, deux autres élus et six membres de l’association ont bien été relaxés par la justice dans un premier temps mais, sur appel du procureur, un nouveau procès les a condamnés symboliquement, sans peine et sans inscription au casier judiciaire. Le souvenir est plus pénible pour Merzouk Sider, condamné avec le vice-président de l’association, à une peine inscrite à son casier. « Ça reste douloureux pour moi parce que je me battais pour le service public. J’ai choisi de ne pas faire appel parce que l’essentiel était alors de relancer la mobilisation et ça a marché au-delà de nos espoirs. Du coup, je garde cette marque indélébile. » Est-ce pour cette raison que Merzouk Sider apprécie tout particulièrement l’annonce du rétablissement du dixième arrêt, « le seul rendu vraiment par la SNCF », car les précédents l’avaient été à l’initiative du préfet, du secrétariat à l’Aménagement du territoire ou du ministère des Transports? ? En tout cas, le militant et l’élu n’entendent pas « rendre les armes ». Un comité de surveillance va vérifier les arrêts effectifs des trains. Le 15 janvier aura lieu le premier rendez-vous mensuel en gare. Le 30 janvier, à Brive, un réseau fédérant les associations, les collectivités et les syndicats de cheminots de la ligne sera créé. Parce que la lutte « a fait naître plein de choses » qu’il serait dommage d’abandonner.
Dany Stive
dans « l’Humanité » du 7 janvier 2010